Deux articles récents dans Nature, Abrupt increase in harvested forest area over Europe after 2015 (Ceccherini et coll., 2020)  et Concerns about harvested area and biomass loss in European forests (Palahí et coll., 2021) ont ouvert un débat important sur la bioéconomie forestière en Europe et son impact sur la récolte forestière. Ce qui est clair, c’est que la récolte forestière a augmenté de 6% ces dernières années  (FAOSTAT, 2019) et    non de 69% comme le rapporte Ceccherini et coll. (2020). Les différences d’estimation  sont dues  à un certain nombre de facteurs qui, ensemble, signifient que les prédictions  de  Ceccherini et coll. (2020) sont fausses sont dommageables:

1. L’une des erreurs les plus importantes dans les prédictions est due à la sensibilité croissante    des algorithmes de détection des satellites et  des perturbations depuis 2015. Cette précision accrue signifie que de nombreuses petites exploitations forestières, comme les  éclaircies et les petites coupes, sont maintenant comptées dans les récoltes alors qu’elles n’avaient pas été prise en compte avant 2015. Cette différence de capacité de détection se traduit par une augmentation soudaine des niveaux de prélèvement post 2015, alors que ce n’est que la qualité de la donnée qui change et non la réalité des prélèvements.

2. L’article initial présentait de nombreux cas de prise en compte erronée des perturbations. De nombreuses perturbations ayant affecté de larges étendues de forêts européennes au cours de la période post 2015 induites par les tempêtes, la processionnaire du pin ou les attaques de scolytes ont été attribuées à tort à  l’activité    humaine et ont artificiellement gonflé les estimations de la récolte forestière.

3. La méthodologie de cartographie du changement en comptant les pixels individuels dans les données satellitaires et en additionnant tous les pixels désignés comme perturbation pour calculer la zone totale manque de rigueur statistique et  peut  conduire à  des estimations biaisées.   Une  méthodologie d’échantillonnage stratifiée  appropriée (Olofsson et coll., 2013) devrait être utilisée pour éviter à la fois les erreurs d’omission (faux négatifs) et les erreurs d’inclusion (faux positifs).

Dans l’ensemble, ces facteurs  ont donné    l’impression fausse que la récolte en Europe a augmenté de façon spectaculaire depuis 2015. Il a également  conduit  Ceccherini et coll.  (2020) à attribuer  ce changement apparent aux politiques de  l’Union européenne promouvant l’utilisation du bois en tant que source d’énergie sans aucune preuve  à l’appui de cette conclusion.

Le débat a démontré un certain nombre de points importants:

1. La mesure et la surveillance de l’état des forêts  européennes  sont plus nécessaires que jamais. En particulier, il est particulièrement important que nous adoptions une approche cohérente de la surveillance des forêts dans toute l’Europe  (Tomppo et Schadauer, 2008)

2. Les données de télédétection doivent toujours être vérifiées avec d’autres données telles que des mesures au sol ou des statistiques forestières nationales (Wernick et coll., 2021).  L’utilisation de données de télédétection sans corroborer les preuves induit à la possibilité d’erreurs dues à une mauvaise interprétation des données ou à un biais d’échantillonnage.

3. Les forêts plantées continueront de fournir une quantité croissante de bois et d’autres matières premières forestières au secteur industriel européen, tout en contribuant aux objectifs d’atténuation  du climat de  l’Union européenne  (Commission européenne, 2018).

4. La demande de matériaux à base de bois augmentera à mesure que la société s’avancera vers une économie plus dépendante de la production durable et accrue de matières premières  d’origine végétale :  l’«économie verte ».  Les forêts en général et les forêts plantées en particulier offrent l’une des rares options de pour répondre simultanément à la demande de matière première et à la  nécessité d’atténuer les impacts du changement climatique  (Gardiner et Moore, 2014).

Le rôle des forêts plantées à objectif de  production devient de plus en plus important dans l’économie européenne, aujourd’hui  et à l’avenir. Malgré les inquiétudes concernant les impacts des forêts plantées sur la biodiversité et leur vulnérabilité aux différents dangers, il est clair qu’avec  une planification minutieuse et des pratiques de gestion appropriées, il est possible d’augmenter la superficie et la production des forêts plantées (Larsen et coll., 2017) tout en agissant favorablement pour l’environnement et à des niveaux de risque réduits (Jactel et coll., 2017). La clé est une bonne compréhension des interactions complexes entre les forêts, la gestion, le climat, l’environnement et  la société. L’IEFC est dans une position unique pour aider à  développer cette compréhension grâce à  son  solide réseau de partenaires et à son lien direct avec les acteurs du secteur forêt bois.

par: Barry Gardiner (IEFC)

Photo par Thomas Lambert, Unsplash


Ceccherini, G., Duveiller, G., Grassi, G., Lemoine, G., Avitabile, V., Pilli, R., Cescatti, A., 2020. Abrupt increase in harvested forest area over Europe after 2015. Nature 583, 72–77. https://doi.org/10.1038/s41586-020-2438-y

European Commission, 2018. Regulation (EU) 2018/841 of the European Parliament and of the Council of 30 May 2018 on the inclusion of greenhouse gas emissions and removals from land use, land use change and forestry in the 2030 climate and energy framework, and amending Regulation. Off. J. Eur. Union 19, 1–25.

Gardiner, B., Moore, J., 2014. Creating the Wood Supply of the Future, in: Fenning, T. (Ed.), Challenges and Opportunities for the World’s Forests in the 21st Century, Forestry Sciences. Springer Netherlands, Dordrecht, pp. 687–704. https://doi.org/10.1007/978-94-007-7076-8

Jactel, H., Bauhus, J., Boberg, J., Bonal, D., Castagneyrol, B., Gardiner, B., Gonzalez-Olabarria, J.R., Koricheva, J., Meurisse, N., Brockerhoff, E.G., 2017. Tree diversity drives forest stand resistance to natural disturbances. Curr. For. Reports. https://doi.org/10.1007/s40725-017-0064-1

Larsen, S., Bentsen, N.S., Dalgaard, T., Jørgensen, U., Olesen, J.E., Felby, C., 2017. Possibilities for near-term bioenergy production and GHG-mitigation through sustainable intensification of agriculture and forestry in Denmark. Environ. Res. Lett. 12. https://doi.org/10.1088/1748-9326/aa9001

Olofsson, P., Foody, G.M., Stehman, S. V., Woodcock, C.E., 2013. Making better use of accuracy data in land change studies: Estimating accuracy and area and quantifying uncertainty using stratified estimation. Remote Sens. Environ. 129, 122–131. https://doi.org/10.1016/j.rse.2012.10.031

Palahí, M., Valbuena, R., Senf, C., Acil, N., Pugh, T.A.M., Sadler, J., Seidl, R., Potapov, P., Gardiner, B., Hetemäki, L., Chirici, G., Francini, S., Hlásny, T., Jan, B., Lerink, W., Olsson, H., Ramón, J., Olabarria, G., Ascoli, D., Asikainen, A., Jactel, H., Lindner, M., Marchetti, M., Marušák, R., Sheil, D., Tomé, M., Trasobares, A., Verkerk, P.J., Korhonen, M., 2021. Concerns about reported harvests in European forests. Nature 592, 15–17.

Tomppo, E., Schadauer, K., 2008. COST Action E43 Harmonisation of National Inventories in Europe : Techniques for Common Reporting. Brussels.

Wernick, I.K., Ciais, P., Fridman, J., Högberg, P., Korhonen, K.T., From, A., Ceccherini, G., 2021. Quantifying forest change in the European Union. Nature 592, 13–14.